Féru de la lutte, Gora Ndoye préside l’Association des jeunes amateurs. Il est, également promoteur avec sa structure Go Salam Productions. C’est cette personnalité de la lutte, multi-casquettes, qui est l’invité du treizième numéro de « Ramadan des arènes ». Gora Ndoye se rappelle de la noyade mortelle de son ami en période de ramadan. Il regrette aussi le climat, selon lui, malsain dans l’arène.
Comment passez-vous votre journée de jeûne ?
« Comme tout musulman. Je me lève à l’aube pour aller prier à la mosquée. Après, je rentre à la maison et attend le matin pour aller au boulot. Je passe toute la journée dans mon lieu de travail. Le soir, je rentre à la maison pour attendre la rupture du jeûne. C’est comme ça que je passe mes journées durant le ramadan. »
Est-il dur d’allier le jeûne et le travail ?
« Je ne sens pas la difficulté quand je suis au boulot. Le travail permet même d’oublier le jeûne. En plus, j’ai l’habitude d’allier les deux. C’est pourquoi, je ne ressens plus la difficulté. J’ai même été maçon tout en jeûnant. Lorsque j’apprenais le métier de tailleur, mon patron construisait sa maison en plein ramadan et m’amenait souvent pour aider les ouvriers. Je passais la journée avec les maçons tout en jeûnant. Donc, j’ai l’habitude de travailler durant le ramadan. »
Quel est le moment le plus dur de la journée ?
«Je n’ai pas remarqué de moment difficile durant la journée. Il n’y a aucune heure difficile parce que j’ai l’habitude. Je crains plutôt le ramadan quand il s’annonce. Quand il reste une semaine et que les gens en parlent, là, je pense au jeûne. Mais une fois qu’il arrive, je le vis normalement sans difficulté. »
Quels bienfaits du ramadan connaissez-vous ?
« Les bienfaits sont nombreux. C’est un mois de promotion, un mois de dévotion. Je prie toujours pour avoir de l’argent durant le ramadan. Ce qui permettra de faire des dons aux nécessiteux, de multiplier mes bons actes enfin de profiter au max sur les atouts du mois. C’est un mois de partage. C’est pourquoi, nous devons tripler nos bienfaits. »
Depuis quand commencez-vous à jeûner ?
« J’ai commencé à jeûner très tôt. Je me rappelle, j’avais 7 ans lorsque j’ai débuté à jeûner, j’étais à l’école à l’époque. C’était difficile, mais je gérais. Il m’arrivait de jeûner quatre jours de suite, prendre deux jours de repos avant de recommencer. C’est comme cela que j’ai appris à jeûner. Je n’ai pas attendu jusqu’à devenir majeur pour commencer à jeûner. »
Une anecdote que vous ne parvenez pas à oublier ?
« Ce qui m’a marqué dans le mois de ramadan, c’est qu’un jour, nous nous sommes rendus, en cachette, à la plage de Yarakh. Nous devions être âgés de 15 ans. Mais un de nos amis, Mory Ba, s’est noyé dans la mer et a perdu la vie. Je me rappelle toujours de la scène. Il y avait beaucoup de monde à la plage. Les marins et les sapeurs sont intervenus pour repêcher le corps. Le défunt a été mis dans la voiture des sapeurs et nous avons suivi le véhicule jusqu’à le perdre de vue. Il a été inhumé le lendemain, premier jour du ramadan. Chaque mois de ramadan, ces souvenirs me reviennent. C’était la première fois que je voyais une personne décédée étalée devant moi. »
Comment trouvez-vous le comportement des Sénégalais durant le ramadan ?
« Le comportement des Sénégalais durant le ramadan est à saluer. Ils partagent le peu qu’ils ont avec les nécessiteux. Mais que cette solidarité ne s’arrête pas dans le ramadan qu’ils continuent d’en faire après le ramadan. On voit également un habillement plus approprié des filles. Tout cela doit être pérennisé. Les interdits durant le mois de ramadan restent les mêmes pour le reste de l’année. Les Sénégalais font du social, ils offrent des plats, du pain, du café aux passagers à l’heure de la rupture. Et ce sont de belles images à continuer après le mois béni. »
Quelle est votre préférence : lire ou écouter le coran ?
« Je fais les deux. Je lis tout comme j’écoute le ramadan. J’ai reçu une éducation religieuse. J’ai été envoyé apprendre le coran à l’âge de 5 ans avant même que je ne rejoigne l’école. Pa Thierno Ly, paix à son âme, était notre Serigne à Khourou Naar. Grâce à lui, j’ai parcoeurisé le coran. »
Parlons de l’arène. Quel est votre cri de cœur pour elle ?
« Ce que je regrette dans l’arène, c’est la haine contre certaines personnes. Il y a trop de calomnie, de la fumisterie chez les acteurs de la lutte. Ceci est une nouvelle attitude dans l’arène. Au temps, ce sont des nobles qui suivaient la lutte. Mais actuellement la donne à changer. Dans l’arène, les gens ne s’aiment pas. Il y a trop d’hypocrisie chez les acteurs de la lutte. Il n’y a pas de solidarité dans l’arène. Tu vois des malades qui sont laissés à eux-mêmes alors qu’un petit appui de tout un chacun pouvait le sauver. »
Êtes-vous satisfait ou pas de l’évolution de la lutte ?
« J’ai une satisfaction de l’évolution de la lutte. Parce que tu vois des jeunes lutteurs qui encaissent des cachets de 10, 15 et 20 millions. Alors que d’autres fois, les grands noms de l’arène ne percevaient pas cette somme. Si on vous dit que lors du combat entre Tyson et Moustapha Gueye, les cachets n’avaient pas dépassé 8 millions, tu ne vas pas le croire alors que le stade Demba Diop était plein à craquer. Malgré tout, nous invitons les sponsors à venir encore plus pour aider la lutte. »
La guerre des promoteurs est-elle une bonne chose pour la lutte?
« La guerre des promoteurs tue la lutte. Ce sont plutôt les lutteurs qui y gagnent. Les promoteurs s’arrachent les lutteurs et cela fait l’affaire de ces derniers. Les promoteurs doivent cesser les ruées sur un même lutteur. Si un promoteur est en discussion avec un lutteur, ses collègues doivent s’écarter et le laisser terminer sa négociation. S’il n’arrive pas à un accord, un autre pourra venir pour tenter sa chance. »