Le plus jeune promoteur de l’arène, Jamaïcain prend des galons d’année en année. Après avoir été l’auteur du combat entre Reug Reug et Bombardier, il a ficelé le duel entre Zarco et Bébé Diène pour terminer cette présente saison. Fondateur de la structure Jam Productions, l’ancien fans-club de Modou Lô est l’invité du dix-neuvième numéro de « Ramadan des arènes ». Jamaïcain se réjouit du temps clément durant le ramadan. Il nous révèle ses anecdotes. Mais il estime également que les acteurs de la lutte ont une grande force. Mais qu’ils ne s’en rendent pas compte.

Comment passez-vous votre journée de jeûne ?

« Après le déjeuner (kheud) et la prière, je retrouve le lit jusqu’au petit matin. Après, je sors accomplir mes devoirs de travailleur. Quand je règle toutes mes affaires, je rentre avant qu’il ne fasse 14h. Le soir, à 17h, nous nous retrouvons dans notre grand-place, dans l’atelier de Modou Baye Fall (un promoteur, ndl), au niveau de l’Unité 15 des Parcelles Assainies. Nous restons là-bas jusqu’à l’approche de l’heure de la rupture. Puis on rentre couper le jeûne et revenir sur les lieux jusqu’à 2h, 3h du matin pour aller dormir. Voilà comment je passe mes journées durant le ramadan. »

Est-il dur d’allier le jeûne et le travail ?

« Ce n’est pas difficile à mon niveau puisque quand je suis au boulot, je me dis que j’ai jeûné, que cela soit durant le ramadan ou les autres mois. Quand je me concentre dans le boulot, la faim et la soif ne peuvent pas m’arrêter. Je finis toujours les tâches à faire avant de penser à ces choses. Naturellement, je ne respecte pas les trois repas du jour. Quand je mange le matin, je peux rester ainsi jusque la nuit même en période hors ramadan. »

Quel est le moment le plus dur de la journée ?

« A Dakar, je ne sens pas le jeûne. Surtout, cette année où le climat est vraiment clément. Il fait froid à Dakar ces derniers temps. Mais un jour, je me suis rendu dans l’intérieur du pays. Mais à 18h, j’étais vraiment impuissant. C’était difficile ce jour-là. »

Quels bienfaits du ramadan connaissez-vous ?

« Les bienfaits ? Tout le monde sait que la solidarité est présente au Sénégal, mais elle est plus accentuée durant le ramadan. Partout où vous passez, vous sentez les effets du ramadan. L’habillement des gens est soigné. Et j’apprécie beaucoup cela. Le ramadan est un mois de promotion et les gens en profitent pour multiplier leurs bons actes. »

Depuis quand commencez-vous à jeûner ?

« Je jeûne depuis que je suis enfant. Chez nous, personne n’osait ne pas jeûner. Si tu le faisais, tu ne mangeais pas, tu ne buvais pas.

Une anecdote que vous ne parvenez pas à oublier ?

« J’ai vécu deux choses durant le ramadan que je n’oublierai jamais. L’année dernière, j’étais à Paris, mais je devais passer par l’Espagne avant de continuer le trajet vers le Sénégal. J’ai quitté Paris vers 12h. Je suis arrivé en Espagne à l’heure de la rupture. J’ai coupé mon jeûne dans l’aéroport d’Espagne et le vol pour le Sénégal m’attendait. Ainsi, je n’ai pas pu manger. Dans l’avion, ils nous ont servi des plats qui ne plaisaient pas. Avant d’arriver au Sénégal, le jeûne avait repris. J’ai ainsi enchaîné le jeûne. Je n’oublierai jamais ces jours. C’était très difficile. »

Comment trouvez-vous le comportement des Sénégalais durant le ramadan ?

« Le comportement des Sénégalais ne peut qu’être salué. Même s’ ils font semblant, c’est à saluer. Les Sénégalais changent tout durant le ramadan. Ils changent leur manière de parler, leur manière de s’habiller. C’est quelque chose de beau. Et c’est pourquoi, le ramadan ne devait jamais finir. Il apporte le bonheur. Vous voyez comment il fait froid à Dakar. »

Quelle est votre préférence : lire ou écouter le coran ?

« Je fais les deux. Mais le plus souvent, je l’écoute. Quand je suis dans ma voiture, je mets toujours le coran. Quand je suis chez moi, je le lis. Même en dehors du ramadan, je le fais. J’aime le coran. »

Parlons de l’arène. Quel est votre cri de cœur pour elle ?

« Ce que je regrette, c’est que le monde de la lutte à une grande force sans le savoir. Nous ne sommes pas unis. C’est pourquoi, il est difficile de remporter certaines batailles. Si nous étions unis, nous allions avoir tout ce que nous voulons dans ce pays. »

Êtes-vous satisfait ou pas de l’évolution de la lutte ?

« La lutte a fait une grande évolution. Surtout, cette saison, on a connu de grandes avancées. Et nous souhaitons que les choses continuent ainsi. Il ne doit plus y avoir d’arrêt. Cette belle lancée doit continuer. Il y a beaucoup à faire encore dans l’arène. Car ce n’est que la région de Dakar qui connaît des réussites. Pour le reste du pays, les choses traînent. La lutte doit évoluer dans tous les départements. Ainsi, on pourra parler d’une grande évolution. »

La guerre des promoteurs est-elle une bonne chose pour la lutte?

« La guerre des promoteurs ne peut rien contre la lutte, elle joue plutôt contre nous les promoteurs. Elle arrange la lutte, elle est favorable aux lutteurs. Cette guerre provoque les gros cachets encaissés par les lutteurs. Ce que je souhaite, c’est que cette concurrence reste superficielle et qu’elle n’atteigne pas les cœurs. Nous pouvons avoir les mêmes désirs. Nous pouvons viser les mêmes lutteurs, mais quand un promoteur arrive à un accord pour un combat, les autres doivent le soutenir. »

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